Collectif indépendant depuis sa création, Womanifesto voit le jour dans la capitale thaïlandaise en 1997. Il résulte de l’initiative de six artistes. Parmi elles, Jittima Pholsawek (1959 – 2023) et Nitaya Ueareeworakul (1966) font figure de proue. Toutes se connaissent bien, puisqu’elles ont ensemble participé à une exposition collective organisée à la Concrete House de Nonthaburi deux ans plus tôt, en 1995. Intitulée Tradisexion: Work of art, Sexuality and Tradition (ผลงานศิลปะและข้อเขียน ประเวณี ประเพณี), celle-ci ouvrait ses portes le 8 mars 1995, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes – une date marquante et symbolique, à l’image du collectif.
À l’issue de l’événement, les six artistes décident de s’organiser afin de mettre à l’honneur leur art et leur activisme lors de rendez-vous ponctuels : Womanifesto est créé. Dès lors, en 1997, la Concrete House et la fondation Chaiyong Limtongkul accueillent leur première exposition officielle. Dix-huit artistes y participent : elles viennent du monde entier, de la Thaïlande aux États-Unis, en passant par l’Autriche, le Pakistan, Singapour, l’Indonésie et le Japon. Deux ans plus tard, une deuxième édition, Womanifesto II (1999) est organisée au sein de la capitale. Cette fois-ci, l’événement a lieu dans l’espace public. Les membres du collectif sont alors mues par un désir commun : celui « de faire de Bangkok un lieu de rencontre pour les artistes thaïlandaises et internationales, qui leur permettent de partager leurs expériences et de présenter leurs œuvres en toute liberté (…) » En février 1999, les membres du collectif déclarent que « l’objectif a été atteint. » En sensibilisant l’opinion publique sur la condition des artistes femmes en Thaïlande, Womanifesto encourage la création d’un centre d’archives qui leur est consacré, le premier en Asie du Sud-Est.
Peu à peu, le format des événements évolue. Si la temporalité reste la même – tous les deux ans – le collectif souhaite désormais créer des moments de partage en dehors du seul temps de l’exposition, et pas seulement à Bangkok. Ainsi, en 2001, Womanifesto organise son premier atelier dans une ferme située dans le nord-est du pays. Pendant dix jours, des artistes se réunissent afin d’apprendre des méthodes de tissage et de vannerie auprès des communautés locales. Sans velléité de production, cette résidence est plutôt consacrée à la transmission de savoirs et de gestes entre des femmes de différentes cultures et générations.
C’est cette même idée de transmission qui guide le projet de Womanifesto pour la Biennale de Sharjah. Fort d’un long héritage de partages artistiques et de liens communautaires, le collectif présente WeMend dans l’une des salles de Calligraphy Square. Derrière cet autre mot-valise dans lequel transparaît l’idée du faire ensemble – « we » [nous] –, l’action de réparer (« mend » en anglais), et les sonorités de women [femmes], WeMend prend la forme d’un vaste projet participatif qui se déploie bien au-delà de l’exposition, et par-delà les frontières de l’émirat.