L’entrée dans le pavillon coréen risque d’en surprendre plus d’un. Au premier abord, il ne semble pas y avoir grand-chose. Nous entrons, perplexes. Pas d’écrans géants, ni de lumières ou d’installation immersive comme dans tant d’autres présentations. Qu’y a-t-il donc dans ce pavillon ? Au milieu du tumulte visuel de la Biennale, le vide de l’espace nous frappe. Seules deux sculptures en bois identiques sont posées au sol. Elles représentent des rubans de Moebius autour desquels le visiteur peut déambuler. Le parquet en bois clair gravé de symboles de l’infini constitue un indice sur la pensée de Koo Jeong A et l’importance du Ying et du Yang dans la pratique de l’artiste.
Rapidement attirées vers un second espace, une grande figure en bronze lévite paisiblement, dans une position quasi fœtale, les yeux clos, les bras ouverts, les doigts formant un V. Par intervalles réguliers, elle semble respirer. À ses expirations, une fine brume se diffuse de ses narines. On peut la voir et surtout sentir le parfum qu’elle émet. Cette figure énigmatique flottante est récurrente dans le travail de l’artiste. Elle voyage dans l’univers « OUSSS », créé par Koo Jeong A depuis les années 1990. « OUSSS » est un morphème, un petit morceau de mot, forme linguistique la plus simple, qui porte en lui l’état d’esprit et l’énergie de plusieurs animations 3D de l’artiste (MYSTERIOUSSS en 2017, CURIOUSSSA en 2017). Dès le lancement d’Odorama Cities en août 2023, cette figure a accompagné chaque étape du projet. Projetée sur les écrans des buildings de Séoul et sur la page d’accueil du site internet, ce personnage invitait chacun à participer à l’appel à témoignages sur les souvenirs olfactifs relatifs à la Corée. Flottant désormais en apesanteur, il diffuse les parfums élaborés pour le pavillon. Ce sont seize créations olfactives inspirées des témoignages, répartis en mots clés : le parfum de la mer, celui des montagnes, l’odeur des rayons du soleil, de la poussière, de la rivière, de l’hiver, de l’eau moisie, des feuilles qui tombent, l’odeur du riz, des herbes médicinales, de l’encens, du bois laqué, de l’acier, des bains publics et enfin l’odeur de la ville et du métro. Des parfumeurs japonais, français et coréens ont interprété les témoignages en propositions olfactives distinctes, diffusées dans le pavillon. Chacun, en fonction du moment de sa visite, sentira des parfums différents qui se succèdent et se mêlent pour créer une forme de paysage olfactif de la péninsule coréenne.