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Et si ?

edito le grand tour evelyne cohen

Et si ?

Combien de pensées traversent mon esprit en commençant par cette locution, ouverte sur les hypothèses les plus extravagantes ? Fréquemment, elles s’évaporent aussi vite qu’elles apparaissent laissant à peine une trace. Plus rarement, ces petites phrases anodines demeurent, sans s’aventurer à être formulées à voix haute. 

« Et si, je créais une revue consacrée aux biennales d’art contemporain ? »

Celle-ci est restée longtemps à tourner en rond, tant elle semblait saugrenue et pourtant attirante. Puis un jour, n’y tenant plus, elle ose se matérialiser dans les mots d’un sms, toujours en silence. Elle n’échappe pourtant pas à la confrontation des questions de l’interlocuteur. « Quelles biennales ? », « À quelle fréquence ? », « Est-ce une revue imprimée ou en ligne ? »… Toutes les réponses sont données avec sincérité et incertitude. Et très vite, un autre « Et si ? » s’écrit à un bout du clavier.

« Et si, on le faisait ensemble ? »

Ainsi Le Grand Tour est né là où personne ne l’attend, tissé par des liens d’amitié et des connivences intellectuelles forgés sur les bancs de l’université. 

Le Grand Tour est né de la frustration de ne pas lire assez de contenus francophones sur les biennales dans le monde, de l’enthousiasme sincère d’en savoir plus sur l’art en train de se faire et d’en garder la trace.

La joie de réaliser ce « Et si ? » ne s’est pas démentie durant les neuf mois de rencontres et de conversations avec les artistes et les commissaires, tous en route vers la Biennale de Venise. Dans les ateliers de Madrid, Bruxelles, Budapest et Marrakech, en visios transatlantiques ou sous formes épistolaires, des liens se sont créés sur le temps long, au gré de nombreuses discussions. 

Puis vient l’écriture. Écrire obstinément pour conserver la trace de nos échanges. Écrire en ayant à cœur d’être accessible, pour partager avec sincérité et fidélité le cheminement des artistes. Loin d’être imperméables au monde, leurs œuvres sont précisément l’écho de ce monde. Auprès d’eux, les réflexions se sont affermies et nous avons invité des auteurs, philosophes et historiens de l’art – depuis devenus des amis – à enrichir la revue de leurs perspectives et de leurs regards critiques, toujours plus affûtés.

Et puis, il y a Venise et les Vénitiens. Les rencontres du hasard au détour d’une annonce de location périmée nous ont menées dans ce lieu à la Calle Lion où nous avons installé la rédaction Le Grand Tour pour plusieurs semaines. L’énergie de la Biennale jour et nuit, l’impact des œuvres, la gentillesse des habitants, mais aussi la saturation visuelle, les contradictions éthiques, politiques et économiques inhérentes à un événement de cette dimension nous ont entraînées dans des montagnes russes émotionnelles. Nous avons tout donné et tant appris. Quelle aventure incroyable !

Ce premier numéro est une photographie augmentée de nos rencontres avec une sélection d’artistes, et une réflexion sur la culture de la Biennale, qui se conserve comme une archive contemporaine de cette 60e édition. C’est aussi une porte ouverte vers les nombreuses biennales à venir, promesses de riches échanges et de nouveaux voyages intellectuels. 

Je vous souhaite de prendre autant de plaisir à le découvrir que nous avons mis de passion à le bâtir. 

Evelyne Cohen