de biennale
Publié le 14/05/2025
Jerry Saltz a déjà répondu à la question Comment devenir un artiste ? dans son best-seller éponyme paru en 2020. « Pour beaucoup, devenir artiste est le rêve de toute une vie », déclare-t-il. Et pour beaucoup d’artistes, devenir l’un de ceux qui exposent en biennale est sans doute un rêve tout aussi ambitieux. Qui ne désire pas voir son travail consacré par une exposition à la Biennale de Venise, Graal incontesté de l’art contemporain ?
Mais existe-t-il une recette, une marche à suivre pour « en être » ? Depuis la création de la revue, les artistes croisés sur notre chemin ont partagé leurs astuces… Voici donc nos dix conseils (très sérieux !) pour devenir à coup sûr un artiste de biennale.
1. Misez sur le concept
La technique ? Dépassée. Ce qui compte, c’est l’idée. Les hétérotopies de Foucault, les spectres de Derrida, les concepts de Deleuze… Plus il y en a, mieux c’est !
2. Intégrez un collectif
Quiconque est allé à la dernière documenta le sait : le collectif « is the new cool ». Fini le mythe du génie œuvrant seul dans son atelier ; l’heure est à la collaboration. On espère que vous aimez le travail d’équipe !
3. Utilisez des matériaux improbables
Exit la peinture de chevalet. Si vous voulez avoir une chance d’exposer en biennale, il faut redoubler d’imagination : travaillez avec des poils ou des cheveux humains, de la poussière d’archives ou des microplastiques issus de l’Atlantique Nord.
4. Voyez les choses en grand…
« Think Big », comme disent les Américains. N’oubliez pas que le visiteur sillonne les expositions à la recherche de celle qui saura le plus la surprendre… Dans cette surenchère de la monumentalité, il faut savoir tirer son épingle du jeu. Oubliez donc les œuvres minimalistes et les ensembles dépouillés. Il faut attirer l’attention du public en créant l’effet « wow »… Immersion, tel est le maître-mot !
5. …sans donner l’impression que votre œuvre puisse être vendue !
Il y a un côté un peu pervers dans les biennales d’art contemporain. De manière implicite, elles exigent de l’artiste qu’il crée une œuvre affranchie de toute considération matérielle. Ses intentions, supposées purement artistiques, ne devraient en aucun cas être influencées par des préoccupations financières. C’est que l’art commercial n’intéresse pas le public des biennales. Bref, le mythe de l’artiste vivant d’art et d’eau fraîche reste tenace.
6. Soyez politisé (mais pas trop)
Votre œuvre n’est ni féministe, ni postcoloniale ? Vous ne proposez pas de regard critique sur l’ère anthropocène ou le capitalisme ? Passez votre chemin. Les biennales sont des lieux où l’art se doit d’être politique, ambitieux, subversif. Questionner, critiquer, provoquer… à condition, bien sûr, de ne pas saper l’ordre établi !
7. Embrassez vos contradictions
En écho à cette dernière observation, l’artiste de biennale ne doit pas craindre quelques paradoxes. Être anticapitaliste et bénéficier du soutien d’une grande maison de luxe n’est pas forcément inconciliable… Il faut bien financer l’exposition ! Bref, soyez à l’aise avec vos contradictions.
8. Être artiste, c’est bien. Être couteau suisse, c’est mieux
Si vous pensiez avoir le loisir de vous dédier pleinement à la création pendant les mois qui précèdent la biennale, détrompez-vous ! De la levée des fonds pour financer la production de l’exposition jusqu’à la médiation, vous devez être un véritable couteau suisse. En un mot, ne craignez pas d’être débordé.
9. Appréciez les réceptions en grande pompe
On ne va pas se mentir, le talent ne suffit pas. Par contre, un bon réseau fait des miracles. Vernissages, visites presse, soirées de lancement, tables rondes, discours… Mieux vaut ne pas être trop timide.
10. Ne prenez pas trop au sérieux les conseils que l’on vous donne
Ces dix astuces sont loin de refléter la réalité et le travail d’un artiste en biennale. Gardez du recul et, surtout, faites-en votre propre expérience !