
Biennale de Sharjah
Mode d’emploi
express
Publié le 14/05/2025
1. Il était une fois, Sharjah…
Tout commence en 1993 avec une exposition à la tonalité encore académique, principalement ancrée dans le monde arabe et imaginée par le Département de la Culture de Sharjah. Personne ne se doute alors que cette initiative va donner naissance à l’une des plateformes les plus audacieuses du monde de l’art contemporain. Dans les années 2000, un tournant s’opère sous l’impulsion de Hoor Al-Qasimi, qui transforme progressivement la manifestation en laboratoire critique et géopolitique. En 2009, la création de la Sharjah Art Foundation entraîne un changement d’échelle : la biennale s’émancipe et s’internationalise, devenant un acteur clé du débat artistique contemporain. La Biennale de Sharjah entre alors, discrètement mais sûrement, dans la cour des grandes. On vous donne tous les détails de son histoire p.10.
2. The boss
Cheffe d’orchestre de la Biennale de Sharjah depuis 2002, Hoor Al-Qasimi incarne une figure centrale de la scène artistique contemporaine. Présidente et directrice de la Sharjah Art Foundation, elle a su transformer la biennale en un véritable carrefour artistique, où les voix du Sud global résonnent avec force. Son influence dépasse largement les frontières de l’émirat : commissaire invitée de la prochaine Biennale de Sydney, en Australie (2026) et de la Triennale d’Aichi, au Japon (2025), elle porte une vision curatoriale sensible aux urgences du monde. En 2024, ArtReview l’a consacrée en première position de son « Power 100 », saluant son engagement pour des pratiques artistiques radicalement contemporaines.
3. Itinérance curatoriale
La Biennale de Sharjah ne se limite pas à un seul lieu : elle se déploie à travers tout l’émirat, comme une cartographie vivante de ses strates historiques, sociales et architecturales. Des anciens quartiers du centre-ville aux ports de Kalba sur la côte est, en passant par le Palais Al Dhaid, le Geology Park de Buhais, le village ensablé d’Al Madam ou encore la futuriste House of Wisdom, chaque exposition est une invitation à parcourir Sharjah de long en large. Ce dispositif éclaté transforme la visite en véritable itinérance, où l’art contemporain dialogue avec les paysages, les friches industrielles, les bâtiments patrimoniaux et les espaces en transition. Plus qu’une simple biennale, c’est une traversée, un road trip curatorial, qui révèle l’émirat sous un jour inattendu.
4. Sharjah XXL
Les chiffres donnent la mesure de l’envergure de cette 16e édition. Avec plus de 190 artistes et collectifs réunis, près de 650 œuvres exposées et plus de 200 nouvelles productions commandées spécialement pour l’occasion, l’événement s’impose comme l’un des plus ambitieux de la scène internationale cette année. Cette profusion reflète une volonté claire de soutenir la création contemporaine dans sa diversité, tout en inscrivant la biennale dans une temporalité longue, faite de dialogues, de recherches et de coproductions sur mesure. Par son ampleur et son engagement auprès des artistes, Sharjah s’impose plus que jamais sur la carte mondiale des biennales majeures, au même titre que Venise, São Paulo ou la documenta…
5. to carry
Intitulée to carry, la 16e Biennale de Sharjah s’articule autour d’un verbe simple en apparence, mais profondément poétique et polysémique. Conçue par un collectif de cinq commissaires – Alia Swastika, Amal Khalaf, Megan Tamati-Quennell, Natasha Ginwala et Zeynep Öz – l’exposition explore ce que signifie (trans)porter : des histoires, son corps, des archives, des blessures, des luttes, des savoirs ou des rêves. Le thème évoque à la fois le fardeau et le soin, le déplacement et la transmission, l’endurance et la solidarité. Il interroge les formes de passage – physiques, historiques, émotionnels – que nous traversons et que nous façonnons. Dans un monde en crises, to carry propose de penser la traversée non comme un simple état transitoire, mais comme une manière d’habiter le monde, de créer du lien et de construire de nouveaux récits partagés.
6. Les cinq fantastiques
Cette édition repose sur une direction curatoriale collective, confiée à cinq commissaires aux ancrages géographiques et intellectuels variés, qui incarnent à elles seules l’esprit et la pluralité de to carry. Alia Swastika, basée à Yogyakarta, développe un travail centré sur les récits postcoloniaux et les dynamiques de pouvoir en Asie du Sud-Est. Amal Khalaf, commissaire et chercheuse active entre Londres et la région du Golfe, s’appuie sur les rituels et la divination pour saisir un monde qui nous échappe, reliant savoirs anciens et luttes sociales. Megan Tamati-Quennell, commissaire māorie, milite depuis des années pour la visibilité des voix autochtones dans les institutions muséales. Natasha Ginwala, curatrice, chercheuse et écrivaine, tisse des récits à la croisée de l’histoire, de la politique et de la fiction. Enfin, Zeynep Öz, depuis Istanbul, porte un regard affûté sur les formes expérimentales et les politiques de la représentation. Ensemble, elles proposent une lecture ouverte, sensible et engagée du verbe (trans) porter, en résonance avec les urgences du présent et les héritages multiples qui traversent les œuvres.